Géopolitique du sport : La Guerre du Golfe

Avec ce second article de la série sur la géopolitique du sport, nous allons tenter de vous expliquer la nature des relations entre les trois nouvelles puissances du monde arabe. L’Arabie Saoudite, le Qatar et les Emirats Arabes Unis se livrent une bataille entre soft power et conflits militaires en Iran, en Irak, en Syrie ou encore au Yémen.

Les origines des conflits

Pour comprendre les relations conflictuelles entre ces trois nouvelles puissances du monde arabe, il faut revenir au début des années 2010. A l’aube de cette décennie, le monde arabe voit naître un peu partout (Algérie, Maroc, Tunisie…) des mouvements de contestation et de révolution non-violente. Ce « réveil arabe » (revue Manières de voir, printemps 2011) est très largement porté par internet et les téléphones mobiles au travers de moyens de communications nouveaux comme les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter.
Cette révolte de grande ampleur prend fin au milieu de l’année 2012 et se solde par des conséquences variées pour les pays :
– Maroc : Changement de constitution
– Jordanie : Changement de gouvernement
– Tunisie, Égypte, Yémen : Départs des chefs d’État
– Libye, Syrie, Yémen : Guerres civiles
– Au total, il y aura environ 69 000 morts et entre 18 000 et 67 000 blessés

Les nouveaux dirigeants : entre modernité et ambitions

Les pays se restructurent alors peu à peu et une nouvelle génération de dirigeants va faire son apparition. Des nouveaux souverains qui n’ont généralement pas ou peu connu la vie âpre et pauvre du désert. Arrivent ainsi au pouvoir Tamim ben Hamad Al Thani à la tête du Qatar en 2013, Mohammed Ben Zayed à la tête des Emirats Arabes Unis depuis 2014 et Mohammed Ben Salmane qui dirige l’Arabie Saoudite depuis 2015.

Mohamed Ben Zayed, dit MBZ, arrive au pouvoir à 58 ans. C’est un militaire accompli qui va faire de son armée le moteur de son ascension en organisant, par exemple, un salon de technologie militaire tous les 2 ans. Les Émirats Arabes Unis sont le pays le plus militarisé avec un char de combat pour 2100 personnes (à titre de comparaison la France compte un char de combat pour 250 000 personnes). Les Émirats Arabes Unis ne vivent aujourd’hui qu’uniquement grâce à l’export pétrolier. Conscient que les réserves s’amenuisent peu à peu, MBZ sait qu’il peut s’appuyer sur la vitrine des paradis fiscaux et touristiques. Néanmoins, conscient qu’il doit diversifier ses activités et de la petite taille de son territoire, il va trouver un allié de taille pour l’aider.

Mohammed Ben Salmane, dit MBS, arrive à la tête de l’Arabie Saoudite à 33 ans mais fait ses débuts comme ministre de la Défense à 29 ans (le plus jeune du monde). Dès ses débuts à la tête de l’armée, il choisi de faire directement face à l’Iran qu’il décrit comme le principal ennemi du pays (de part sa présence en Irak, au Liban, en Syrie et au Yémen).

Intronisé en tant que ministre de la Défense à seulement 29 ans ( le plus jeune du monde), Mohammed Ben Salmane, dit MBS, arrive à la tête de l’Arabie Saoudite à 33 ans. Dès ses débuts à la tête de l’armée, il choisi de faire directement face à l’Iran qu’il décrit comme le principal ennemi du pays (de part sa présence en Irak, au Liban, en Syrie et au Yémen).

MBZ et MBS vont alors développer une relation de maître à élève, avec Ben Zayed dans le rôle du maître. Ensemble, ils œuvrent avec des objectifs communs comme la modernisation autocratique de leurs pays et la volonté de nuire à l’ennemi commun : le Qatar.

Plus petit territoire de ces trois puissances du Moyen Orient, le Qatar est dirigé par l’émir Tamim Al Thani depuis 2013. Les liens étroits avec l’Iran (notamment à cause du partage d’un gisement off shore au nord du Qatar qui demande une coordination), les supposés soutiens aux groupes terroristes et l’ombre médiatique causée par la Coupe du Monde de football 2022, font du Qatar l’ennemi de l’alliance MBZ-MBS.

Donald Trump : Élément déclencheur de la nouvelle Guerre du Golfe…

La crise telle qu’on la connaît aujourd’hui a été déclenchée par le président américain Donald Trump qui a laissé un flou quant à sa campagne politique au Moyen Orient. Ayant un club de golf à Dubaï et voulant combattre le terrorisme, Trump soutien le blocage de la frontière qatari par l’Arabie Saoudite. Repris par son secrétaire d’État Rex Tillerson, le président américain nuance ses propos sur le Qatar afin de défendre les intérêts de la principale base américaine dans la région (il pensait que la base d’Al Udeid se situait aux Emirats Arabes Unis).

Dans une situation menaçante, le Qatar dépense sans compter pour se préparer à une éventuelle invasion de ses rivaux au point d’avoir aujourd’hui une flotte aérienne disproportionnée par rapport au nombre de pilote dont dispose le pays. Cependant, l’embargo de l’alliance MBZ-MBS permet à Al Thani de renforcer son image auprès de son peuple faisant de la démarche ennemi un véritable échec.

L’action entreprise contre le Qatar coule et la guerre au Yémen s’enlise. La situation devient compliquée pour les deux dirigeants et MBS voit ses relations diminuer à la suite de l’affaire Jamal Khashoggi) .

Seules la Russie et la Chine, plus regardant en matière des droits de l’homme et des crimes de guerres, semblent tendre la main à l’alliance Ben Zayed-Ben Salmane ; de quoi inquiéter les autres nations et rendre le conflit du Golfe plus qu’incertain. 

Le sport : nouveau terrain des oppositions

Souffrant d’une image négative vis-à-vis des pays occidentaux et d’une partie du monde arabe, les émirats du Golfe ont fait du sport, l’outil n°1 de leur politique mondiale. Une diplomatie sportive d’abord amorcée par le Qatar et les EAU, qui ont développé une méthode cohérente basée à la fois sur l’organisation d’événements sportifs et des participations aux grands événements mondiaux.

Une stratégie assumée et rendue possible avec une manne financière démesurée permettant à ces états de surmonter leurs handicaps de départ et d’apparaître sur la scène sportive internationale. Une présence qui s’est orchestrée en différentes étapes. D’abord, il a été question d’intégrer les principales instances sportives internationales (CIO, FIFA, etc..), avant de s’octroyer l’organisation d’événements sportifs mondiaux de plus en plus médiatisés : le prochain événement à venir n’est autre que la compétition la plus médiatisée de la planète, la coupe du monde FIFA 2022, qui sera accueilli par le Qatar. L’appétit venant en mangeant, il n’était pas question de juste participer à ces compétitions sans ambition. Dès lors, une politique agressive de naturalisation d’athlètes de haut niveau a été menée afin de bénéficier de l’impact médiatique de la victoire sportive. A titre d’exemple, sur les 17 joueurs de la sélection qatarie, vice- championne du monde de Handball en 2015 à Doha, seuls deux étaient natifs du pays. Le terrain sportif ravive les rivalités déjà existantes et la victoire est encore plus retentissante lorsqu’elle a lieu chez l’ennemi comme ce fut le cas pour la sélection qatarie de football (qui comptait 4 joueurs naturalisés) , championne d’Asie en 2019 en territoire émirien, un véritable pied de nez de la part des qatariens.

Pour combler, leur manque de visibilité à l’échelle mondiale, les pays du Golfe n’ont pas hésité à investir massivement dans des clubs de football en Europe pour en faire le porte étendard de la nation. C’est ainsi que le club de Manchester City est racheté par un fonds d’investissement d’Abu Dhabi à l’été 2008. En 2011, le voisin qatari va lui miser sur le Paris Saint-Germain , le fonds souverain Qatar Investment Authority rachète 70 % des parts du club via sa filiale Qatar Sports Investments (QSI) avant d’acquérir la totalité en 2012.

Des joueurs du PSG à Doha (Qatar).

Quid de l’état saoudien alors ? Plus grande nation du Golfe, celui-ci a longtemps négligé le sport dans sa politique de développement à l’international. C’est alors qu’aujourd’hui, des rumeurs bien fondées font état d’un potentiel rachat du club de Newcastle par l’Arabie Saoudite. Une arrivée dans le football que tente de faire capoter le Qatar en remettant sur le devant de la scène l’affaire « Khashoggi » et « BeoutQ« , une chaîne pirate des canaux de BeinSports, propriété qatarie. Une manigance qui seraient orchestrée par l’Arabie Saoudite en hébergeant cela sur le satellite Arabsat dont elle est au commande. Un préjudice financier estimé à plusieurs milliards d’euros pour l’état d’ Al Thani.

Mais alors pourquoi un revirement de situation dans la stratégie adoptée ? Quels sont les enjeux derrière cet investissement ?

C’est tant de questions qui restent encore en suspens et auxquelles seul le temps pourra nous apporter réponse…

Documentaire réalisé par ARTE : La nouvelle guerre du Golfe.

Anesse, Clara et Maxime

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